Téhéran pousse moby dick dans les cordes

27/08/2010 C’est peu dire que la machine de guerre américaine est un monstre difficile à manier. Son technologisme débridé a depuis longtemps atteint son pic de rentabilité, transformant son hyper-puissance en impuissance. Un seul exemple : si aujourd’hui Washington décidait d’envahir l’Iran, il lui faudrait mobiliser 1 million de combattants nécessitant chacun 4 à 5 personnels dédiés à la logistique, histoire bien sûr, american dream oblige, de permettre aux boys de se gaver de « Quarter Pounder » et de dormir dans des draps repassés comme à la maison. Bref, cela nécessiterait la mobilisation de 5 à 6 millions d’individus ce qui prendrait, selon des simulations officielles… au moins 5 ans. Bref, ne reste plus à l’obèse machine de guerre américaine que l’option de l’anéantissement à distance, ultime capacité du monstre.
Sauf que là non plus, la partie n’est pas gagnée d’avance.

Le ventre mou du Pentagone
L’Iran, en effet, a totalement intégré le concept de guerre de quatrième génération (G4G) dite « asymétrique », c'est-à-dire du faible au fort, et s’équipe en conséquence. (Pour mémoire, et en très très raccourci, la G4G peut se résumer par l’idée que le faible va privilégier un armement léger, mobile et performant adapté à la guerre de harcèlement, en portant l’effort sur l’intelligence tactique et stratégique ainsi que sur la communication. Ce qui rend inopérants les concepts de guerres totales ou de haut niveau. L’exemple le plus récent de réussite du concept est la débâcle infligée par le Hezbollah à l’armée sioniste en 2006.)
Or une campagne de frappes aériennes des Etats-Unis ou d’Israël (l’autre « pays » qui croit encore à la guerre totale) imposerait dans les deux cas le déploiement d’une importante flotte US de soutien dans le Golfe persique. C’est le ventre mou du dispositif.

Armement sur mesure
Or l’Iran vient de se doter d’un armement particulièrement dissuasif pour la flotte étasunienne. Dimanche, la République des Mollahs a ainsi annoncé la production de drones bombardiers « Karrar », d’une portée de 1000 km, qui peuvent tirer quatre missiles de croisière et, selon les missions, transporter deux bombes de 115 kg chacune ou un missile de précision de 230 kg.
Le lendemain, Téhéran a enfoncé définitivement le clou en révélant également la production en série de vedettes d’assaut, « Seraj 1 » et « Zolfagar », vedettes ultra-rapides dotées notamment de missiles « Nasr 1 » (victoire 1) capables de détruire des navires de plus de 3000 tonnes. La vedette Zolfagar, notamment, est conçue pour des assauts rapides contre des navires et est équipée de deux lance-missiles, de deux mitrailleuses et d'un système électronique de contrôle des missiles.
Bref, de quoi infliger de sérieux dégâts à la flotte de Moby Dick, un scénario qui donne des frissons aux Pentagone

Douloureux souvenirs
Rappelons en effet qu’en 2002, lors de l’exercice Millenium Challenge dans le détroit d’Ormuz, l’U.S. Navy avait perdu 16 navires, dont un porte-avions, au premier jour de l’engagement contre des forces iraniennes dites non-conventionnelles, et justement équipées des ancêtres des fameuses vedettes présentées cette semaine.
On se souvient aussi que le 12 octobre 2000, alors qu'il était amarré à Aden (Yémen), l'USS Cole fut frappé par… une vedette piégée qui perfora la coque et tua 17 marins.

Victoire iranienne par forfait ?
Les capacités de dissuasions iraniennes viennent donc de faire un saut qualitatif important, pour ne pas dire décisif.
Après le fiasco irakien (sept ans de guerre pour un coût global estimé entre 1000 et 3000 milliards de dollars, plus d’un millions de victimes civiles directes et indirectes selon les sources, et un pays abandonné à la guerre civile et en voie d’éclatement) ; et alors que le fiasco afghan devient évident pour tout le monde ; on voit en effet très mal comment Washington s’exposerait à une nouvelle débâcle qui révèlerait à tous l’impuissance d’un « pays » sensé incarner l’hyper-puissance.
Un fiasco dans le détroit d’Ormuz porterait à n’en pas douter un coup fatal à l’empire en faisant voler en éclat, d’un coup d’un seul, la dernière couche de pixels hollywoodiens qui dissimulent encore son effondrement.
Victoire iranienne par forfait ?