Washington aux limites du pays des merveilles
10/02/2010 La reprise
annoncée aux Etats-Unis n’est qu’un leurre alimenté à grand renfort de
statistiques bidouillées. Dernière intox en date : l’annonce par le ministère du
Travail US d’un record de croissance de 5,7% au dernier trimestre 2009 pour les
Etats-Unis. Sauf que cette fois, même
Bloomberg, pourtant éminent représentant de la presse-Pravda, n’y croit
pas.
Avec une dette de
9'400 milliards ; un déficit budgétaire de 1600 milliards de dollars ;
quelque 1400 milliards de
crédits immobiliers en attente d’un refinancement, les Etats-Unis sont
littéralement
ruinés.
Même constat dans le domaine du chômage US. Les statistiques officielles
plafonnent à
9,7%
de chômeurs. Mais les statistiques washingtoniennes ne comptabilisent ni les
demandeurs d’emploi au sens large, ni ceux qui ont épuisé leurs droits. En
réalité, le taux de chômage US réel varie entre 17% au mieux, et 25% au pire. En
juin prochain, 5 millions de chômeurs vont encore arrivés
en fin de droits au pays du plein emploi. La messe est dite.Le problème
pour Washington est que l’American Dream
ne peut s’accommoder de cette réalité-là. Car pour le système américaniste, une
réalité qui contredit le mythe devient une information parasite qu’il s’agit de
combattre au vu de son potentiel explosif pour un pays fragile de
ne pas en être vraiment un.
De la nécessité du
mensonge
C’est qu’à l’intérieur du pays, le mirage, la réalité
virtuelle a pour principale fonction de maintenir la cohésion sociale en créant
l’illusion du meilleur-des-mondes-malgré-ses-imperfections, de la puissance et de
l’unité.
Pour le Rest of the World, auquel les
Etats-Unis soutirent plus d’un milliard de dollars par jour pour financer leur
train de vie, la réalité virtuelle sert aussi à maintenir l’illusion de la
puissance et de l’unité, mais pour faire perdurer ce mécanisme de captation des
capitaux et
l’hégémonie du dollar.
Le scénario est bien rôdé : le fameux Axe du mal, l’ubuesque Ben Laden ou le
fantasque Ahmadinejad (et bientôt le
Yémen, la Chine ou la Russie) se succèdent et se succèderont encore dans
les rôles de grands méchants planétaires qui permettent aux Etats-Unis d’«entretenir l'illusion d'une planète instable qui aurait besoin d'eux
pour sa protection» (cf. Emmanuel Todd). Peuvent alors s’enchaîner les
victoires miraculeuses, les « missions
accomplies » qui, dans la réalité du terrain, son autant de défaites
monstrueuses comme en Irak ou en Afghanistan (pardon d’anticiper un peu, mais un peu seulement, dans ce dernier cas…).
Mais qu’importe, ce qui compte au Pays des merveilles, c’est le récit, la
narrative, non les faits.
A l’import ou à l’export, le système américaniste ne peut donc survivre que
grâce au virtualisme, grâce au mensonge, en substituant à la réalité une réalité
rêvée, imaginaire, produite et propagée comme un virus grâce à cette fantastique
alliance entre Washington, Hollywood et la presse-Pravda.
Pour schématiser, on peut ainsi dire qu’au pays de l’américanisme, ce ne sont
plus les vainqueurs qui écrivent l’Histoire, mais ceux qui contrôlent les canaux
de diffusion pour imposer leur version.
Reste à savoir combien de temps encore l’illusion pourra être imposée aux
esprits. Combien de temps encore, la réalité cathodique pourra se substituer à
celle du terrain ou de la rue.
Le bonheur des Happy
Few
Certes, l’Amérique est un paradis pour quelques happy few,
pour une poignée d’artistes, de touristes, de chercheurs et, surtout, d’hommes
d’affaires sans scrupules, d’arrivistes, de banquiers, de spéculateurs, de
politiciens corrompus, de voleurs et, bien sûr, pour le personnel du Pentagone.
Mais pour les autres, tous les autres, l’immense cohorte des workings poor, des
retraités grugés ; des malades que l’on laisse mourir faute d’assurance ; des
mal logés, des SDF, des rescapés de
Katrina
qui n’ont jamais retrouvé de logis ; pour ce quart-monde dont les villes de
tentes fleurissent désormais un peu partout : que signifie
l’American Dream ?
Vers une petite
guéguerre ou une petite série d’attentats pour un petit sursis ?
Avec l’élection d’Obama, on a d’abord cru à l’arrivée du
Gorbatchev américain, le grand réformateur. Il n’en sera rien, ou alors
involontairement.
En renflouant Wall Street et, ensuite, en décidant d’envoyer des renforts en
Afghanistan, Barak Obama a jeté l’éponge, faisant la preuve qu’il n’était hélas
qu’un pitre de plus, incapable de s’opposer au système, et donc de le
réformer.
Il commence même à se murmurer que notre glamour président pourrait succomber au
vice le plus répandu chez les locataires de la Maison-Blanche en sursis :
déclencher une petite guerre pour sauver sa présidence à la dérive. Nous
ne croyons toutefois pas à cette option tant le résidu de « puissance »
américaine est déjà à
flux tendus (ce lien est à lire
absolument). Mais reste le danger de
l’Etat parano israélien qui pourrait bien jouer les alliés en rupture de
ban dans cette affaire.
Et puis, allez savoir, le système se verra peut-être offrir un sursis
moins coûteux par la fameuse nébuleuse Al-Qaïda, dont les non moins fameux
Renseignements US semblent déjà savoir qu’elle frappera les Etats-Unis
d’ici juillet prochain (la date,
le lieu, l’heure de l’attentat et le pédigree des auteurs sont connus mais
encore classés secret-défense…) Pour un temps au moins, nous pourrons alors
redevenir, « tous Américains », et acheter encore quelques tonnes de bons du
Trésor sans valeur.
Le temps de la
libération
Les Etats-Unis poursuivent donc cahin-caha leur descente aux
enfers, descente qu’Obama accompagne, totalement imperturbable,
totalement glamour et totalement passif
(c’est là d’ailleurs que se niche un reste d’énigme le concernant : est-il
inactif car il sait que l’inaction va aider à
l’effondrement du système qu’il voudrait réformer ? Ou est-il inactif
parce-que paralysé, dépassé, aveuglé, incompétent ?)
On peut en tout cas tenir pour certain que les Américains n’ont plus rien à
espérer d’un système washingtonien parti en roue libre, qui ne fonctionne plus
selon l’aveu même de Joe Biden, un système décroché de leur réalité, de
la réalité tout court.
Peut-être est-il donc temps qu’ils
se libèrent eux-mêmes de la prison de
l’American Dream en se libérant d’abord de Washington, et libère du même
coup une certaine élite occidentale encore prisonnière des paillettes
hollywoodiennes.
Russes et
Chinois
ont en tout cas déjà compris que le déclin US est irréversible et préparent
activement « le jour d’après », notamment au travers du Groupe de Shanghai ou du
BRIC. Mais une majorité de l’élite européenne préfère encore le déni, incapable
d’affronter le vertige de la liberté de s’être trop longtemps vautré dans les
voluptés paresseuses de la soumission. Au point que le moment venu, on ne sait
trop si elle aura le courage d’arracher son collier ou cherchera, hagarde et
apeurée, un nouveau maître à qui tendre sa laisse. Nous verrons.
Idéalement pourtant, l’effondrement en marche du système américaniste qui
enchaîne les esprits et les nations depuis la fin de la Seconde guerre mondiale
devrait être, pour l’Europe, le moment tant attendu de sa vraie libération, de
sa renaissance.